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un peu de tout, un peu de moi
2 mai 2009

Dieu, un Dieu quantique ?

ou une interprétation contemporaine du Libre arbitre Michel Onfray, philosophe contemporain, est un auteur pour lequel mon appréciation est ambiguë: j'apprécie son style relativement clair et certaines de ses idées qui secouent un peu les idées reçues notamment par le fait qu'il ressort certains philosophes de l'ombre (dans Contre histoire de la philosophie par exemple); par contre, il est détestable par cette haine viscérale qui transpire de son oeuvre pour les philosophes "classiques" comme Platon ou Aristote par exemple, qui ont, à mon humble avis, apporté beaucoup au monde... Toujours est-il qu'au fil de son ouvrage, j'ai découvert certains penseurs en marge de l'idéologie officielle de l'Église catholique romaine du Moyen Âge... Et notamment Lorenzo Valla (1407-1457) avec un petit opuscule: De libero arbitrio (Du Libre Arbitre). La question du Libre arbitre est une question assez centrale pour celui ou celle qui croit en quelque chose (Dieu ou quelque nom qu'on lui donne), c'est le choix entre déterminisme et liberté de l'être humain, c'est la question de savoir pourquoi Dieu, s'il existe, accepte ou tolère Hitler et l'holocauste, le génocide rwandais, la guerre dans les Balkans, la faim dans le monde, ... Chez certains, c'est le Inch Allah ! Dieu le veut, c'est écrit... Certains penseurs "hédonistes" du Moyen Âge dont parle Onfray, et parmi eux particulièrement les Frères et Soeurs du Libre-Esprit, se sont positionnés sur la notion de libre arbitre d'une manière assez tranchée, pour ainsi dire dichotomique. Mais, avant d'aller plus loin, revenons un instant sur cette notion de libre arbitre. Ce sont les grands penseurs chrétiens des premiers siècles qui ont défini cette notion et principalement un certain Augustin d'Hippone mieux connu sous le nom de Saint Augustin (particulièrement dans un traité appelé également De libero arbitrio). Au livre Premier de cet ouvrage, il parle de la "volonté et du libre arbitre" qu'il développe dans le livre Deuxième: "Explique-moi maintenant, si cela est possible, pourquoi Dieu a donné à l'homme le libre arbitre de la volonté, sans lequel il ne pourrait certainement pécher, s'il ne l'avait reçu" Saint Augustin pose toutes des questions que ses successeurs vont analyser, tourmenter voir radicaliser. Il puise sans doute une partie de ses réflexions dans l'héritage grec, et particulièrement Aristote (même si son auteur de prédilection est sans doute Platon). Celui-ci (Aristote) nous donne en effet la version grecque du libre arbitre dans la notion d'acte volontaire qu'il définit comme suit dans l'Ethique à Nicomaque (Livre III, Chap. 3): "Étant donné que ce qui est fait sous la contrainte ou par ignorance est involontaire, l’acte volontaire semblerait être ce dont le principe réside dans l’agent lui-même connaissant les circonstances particulières au sein desquelles son action se produit". Les éléments clefs de l'acte volontaire d'Aristote sont donc l'absence de contrainte et la connaissance des circonstances et des conséquences directes de l'acte (Ce que nous traduirions sans doute par "il l'a fait en connaissance de causes"). Pour Aristote, une action accomplie sous la contrainte ou par ignorance n'est pas un acte libre. La contrainte peut être celle d'autrui ou celle d'un événement extérieur. Un acte forcé a son principe, son origine hors de nous, hors de l'agent, la personne, qui subit la contrainte. D'un autre côté, l'ignorance n'entraîne un acte involontaire que si elle s'accompagne d'une certaine forme de repentir, si l'auteur aurait agit autrement s'il avait eu pleinement conscience des circonstances de son actions. L'acte n'est par contre pas considéré comme involontaire si l'auteur n'est pas au courant, lors de son choix d'action, des conséquences de son acte. De là, Aristote en arrive à la définition reprise plus haut. Il entame ensuite une analyse de la question du choix et prévoit dans son raisonnement des actes volontaires qui ne sont pas faits pour des bonnes actions mais pour des actions honteuses (par impulsivité ou concupiscence). Et donc on voit ici la porte ouverte pour la notion de péché des Pères de l'Église. De son côté, Saint Augustin nous montre le Libre arbitre de la volonté (nous retrouvons ici le concept grec) comme cette faculté donnée à l'être humain de faire un bon usage des choses ou d'en faire un mauvais usage. Par mauvais usage, il entend essentiellement le fait de s'attacher aux choses temporelles. Dans son opuscule sur le Libre Arbitre, saint Augustin pose successivement trois questions qui correspondent aux trois livres de l'opus: D'où vient le Mal ? Qui a créé le Libre arbitre, principe du Mal ? Dieu a-t-il pu créer le Libre Arbitre ? D'après Saint Augustin, le Mal (au sens de mal agir) trouve son origine non pas auprès de Dieu mais chez son auteur, l'homme, l'âme qui s'est laissé allé à la passion. Le choix volontaire (le libre arbitre de la volonté), quand il nous entraîne vers la passion plutôt que vers la raison, tel est l'origine du mal. Dans le deuxième livre, Saint Augustin démontre que c'est bien Dieu qui a donné le Libre arbitre à l'Homme pour que ce dernier puisse "librement" agir avec droiture. Mais cette volonté libre, ce bien reçu de Dieu va être perverti, va subir un mouvement qui nous mène au péché. Ce qui te surprend, ce qui t'étonne, c'est qu'il n'y ait ni contradiction ni opposition à admettre, d'une part, que Dieu connaisse tout ce qui doit arriver; et d'autre part, que nous ne péchions pas nécessairement, mais volontairement. Si Dieu sait qu'un homme doit pécher, dis-tu, il est nécessaire qu'il pèche; mais s'il est nécessaire qu'il pèche, il n'est donc pas libre en péchant, il est sous l'empire d'une inévitable et immuable nécessité. Et ce que tu crains, c'est que ce raisonnement n'entraîne à nier la prescience divine, ce qui ne peut se faire sans impiété, ou bien s'il est impossible de la nier, à avouer que les péchés ne sont pas l'œuvre de la volonté, mais de la nécessité. Tout le débat est résumé dans ces phrases. La pirouette de Saint Augustin est de combiner préscience de Dieu et volonté de l'Homme. Quelque part, Saint Augustin dit que l'Homme ne peut être heureux (ou ne peux pécher) que s'il l'est (s'il le fait) volontairement... Le péché aussi trouve sa cause dans la volonté et la cause de cette volonté qui nous fait pécher est l'avarice, le besoin de toujours plus... Il s'appuie ici sur Paul (I Tim, VI, 10): "L'avarice est la racine de tous les maux". Enfin, Saint Augustin rejette l'ignorance comme excuse au péché... A la suite de Saint Augustin, la question du Libre Arbitre sera reposée souvent de manière dichotomique: soit Dieu est omniscient et omnipotent et donc Il sait ce que l'Homme fera du Libre Arbitre qu'il lui confère mais qui n'est alors qu'un leurre puisque en tant que omniscient et omnipotent, Dieu sait que nous pécherons, Dieu connait et gère le futur (comme le présent et le passé), donc c'est lui qui crée le péché, donc tout est écrit (y compris le péché), donc pas d'utilité à la rédemption puisque le scénario est déjà écrit, donc, pourquoi pas la licence totale ? Plus d'interdit, plus de "faute", plus de péché puisque tout ce que nous faisons, Dieu l'a voulu... Un des objectifs du péché étant la repentance pour se re-rapprocher de Dieu mais si c'est Dieu qui a voulu le péché, à quoi bon se re-rapprocher de Lui, on ne s'est jamais éloigné de Sa volonté ! Donc plus de péché, plus de repentance... plus d'Eglise et de son cortège d'Inquisition... ? Entre parenthèse, ceci pourrait être une des sources du déterminisme en sciences: tout est écrit, en découvrant les lois de l'univers, on explique tout... L'autre option est que Dieu nous a donné le Libre Arbitre et ne sait pas ce que nous allons en faire dans quel cas Il n'est pas omniscient ni omnipotent... A quoi bon alors suivre Sa Loi ? Quelle est Sa légitimité ? Qui est-il ? Nous approchons là des sources de l'humanisme (au sens de la réflexion centrée sur l'Homme) et petit à petit de l'athéisme et de la mort de Dieu. Lorenzo Valla propose une première alternative à la dichotomie grâce à une petite pirouette mais sa réflexion nous permettra d'aller plus loin. Son opuscule se présente comme un dialogue entre un certain Antoine de Glarea, un érudit et l'auteur, Laurentius. Antoine pose à Laurentius la question du Libre Arbitre qui lui "semble très difficile, et surtout primordiale. Tout acte des affaires humaines, toute justice et injustice, toute récompense et peine en dépendent. Et non seulement pour cette vie, mais aussi pour celle à venir [...]". Pour lui, l'omniscience (il parle de préscience) de Dieu semble contradictoire avec le Libre arbitre. Laurentius rétorque que le fait que Dieu ait prévu que l'homme fasse quelque chose n'implique pas qu'il le fasse... et c'est là le point intéressant sur lequel nous reviendrons. Par rapport à la préscience, Laurentius écarte l'incompatibilité avec le Libre arbitre en indiquant que préscience n'entraîne pas nécessité. Ce n'est pas parce que je sais que quelque chose arrivera que ma connaissance est la cause de ce qui arrivera... Donc on ne nie pas la préscience de Dieu mais elle n'est pas incompatible avec le Libre arbitre: je fais ce que je veux même si Dieu sait ce que je vais faire... Antoine admet que la préscience n'est pas la cause d'un acte mais revient à la charge cette fois, non plus avec la préscience mais avec la volonté de Dieu qui contredirait le Libre arbitre... Là, Laurentius se base sur Saint Paul pour une belle pirouette en disant, en substance, que cela ressort du mystère divin insondable... Aporie ! Pourtant, je reviens sur un point de Laurentius alias Lorenzo Valla: "Je peux être un mari, je peux être soldat ou prêtre, vais-je pour autant le devenir? pas du tout. J'ai ainsi la possibilité d'agir autrement que ce qui va advenir, pourtant je n'agirai pas autrement; et il était entre les mains de Judas de ne pas pécher, bien que ce fut prévu; mais il a préféré pécher, ce qui était connu à l'avance. C'est pourquoi la prescience est valable, tandis que la liberté de l'arbitre demeure. Une des deux [possibilités] sera choisie par le libre arbitre: car toutes les deux ne peuvent avoir lieu [en même temps], et par sa propre lumière, la prescience sait à l'avance celle des deux qui sera choisi." Si je laisse de côté la toute dernière partie de la citation, je me rapproche d'une alternative "scientifique" pour sortir de l'aporie* . Nous pourrions donc dépasser ces apories, ces blocages à la lumière de la science actuelle: et si Dieu était un Dieu quantique... S'Il était un Être quantique ou le grand Architecte d'un système quantique... Une des théories maîtresses de la science actuelle, à côté de la relativité générale, est la physique quantique. De quoi s'agit-il ? Je n'ai pas la prétention d'être un physicien accompli, juste un simple quidam qui a lu et tenté de comprendre quelques bases de la physique. Qu'en retiendrai-je pour expliciter mon propos ? La physique quantique me semble être la physique des possibles ou des probables. Le fameux chat de Schrödinger, enfermé dans sa boîte au côté d'un système létale, a une probabilité de un sur deux d'être en vie et a la même probabilité d'être mort. Selon la physique quantique, les deux états coexistent simultanément dans la boîte cela revient à dire que, dans la boîte, le chat est simultanément dans l'état vivant et dans l'état mort. Ce n'est qu'en ouvrant la boîte, soit en intégrant le rôle de l'observateur dans la situation, que le choix entre les deux états sera opéré, qu'un des deux états sera présentifié (rendu présent pour l'observateur !). Donc en résumé, plusieurs états coexistent dans une situation et une intervention externe en présentifie un. Imaginons que ce soit la même chose pour le libre arbitre. Dieu reste omniscient mais au lieu de connaître un futur, il connaît tous les futurs possibles. En nous donnant le Libre arbitre, Il ne nous donne pas une fausse illusion de pouvoir gérer notre vie, en être responsable, parce que tout serait déjà écrit, mais Il nous donne la possibilité de présentifier un des futurs possibles, celui qui découlera de nos choix, de notre Libre Arbitre. Dans cette optique, Dieu (ou quelque soit le nom qu'on Lui donne) a "en tête" tous les futurs possibles suivant tous les choix fait par ces petites choses auxquelles Il a donné le Libre Arbitre et donc garde sont "attribut" d'omniscience. Cette option était sans doute difficile a imaginer, même pour un scientifique des années 70 ou 80, et a fortiori pour un penseur de l'Antiquité ou du Moyen Âge, car une telle capacité de mémoire et de calculs de scénario était totalement inimaginable. Alors qu'aujourd'hui, avec les ordinateurs dont la puissance augmente de manière exponentielle (loi de Moore qui fait quasiment doubler quelque chose - puissance, vitesse, ... - sur les ordinateurs tous les 18 mois - même si celle-ci connaît un petit ralentissement depuis 2004** mais d'autres perspectives apparaissent*** ...), un tel système d'analyse de tous les futurs possibles, même s'il fait encore partie de la science-fiction a très long terme est plus imaginable. D'un autre côté, et si je continue dans la science-fiction, pourquoi ne pas imaginer la présentification de plusieurs futurs. Un auteur, pour n'en citer qu'un que j'apprécie, comme Richard Bach dans un roman intitulé Un, nous propose de visiter plusieurs des futurs possibles "passés" de sa femme et de lui-même simplement en atterrissant avec un hydravion dans ces univers parallèles. Chaque choix fondamental qu'ils ont fait dans leur vie a, en quelque sorte, créé un futur différent dans un univers parallèle où l'avenir est vécu avec l'autre option. Par exemple, si a un moment donné je me décide à déclarer ma flamme, un autre avenir continue avec une sorte de double de moi qui n'aurait pas déclaré sa flamme... La science aujourd'hui, se rapproche de ce genre de science-fiction... C'est Hugh Everett (physicien américain 1930-1982) qui proposa le premier la théorie des univers parallèles pour tenter d'expliquer la mécanique quantique. Ainsi, le chat de Schrödinger existe dans deux univers parallèles, une fois mort, une fois vivant dans deux univers différents. Plusieurs physiciens soutiendrons cette thèse comme John Wheeler, Stephen Hawkings, etc. Elle rentre également dans la relativité d'Einstein... Donc, pourquoi ne pas y croire ? un Dieu omniscient mais qui nous laisse le libre arbitre... Une connaissance globale qu'on appellerait Dieu, Yahvé ou Allah comme d'autres l'appellerait Noosphère (Theilhard de Chardin) avec une humanité responsable et responsabilisée... ------- * L'aporie est un blocage dans la démonstration. ** A cause de facteurs comme la température accrue... *** ordinateurs bioniques et quantiques
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